
Une ancienne petite étude interne de 2007 qui n’a pas perdue de son acuité.
Plan de cette note :
I. Les CDO cash-flows (CBO et CLO)
II. Les CDO Synthétiques
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Premiers montages de CDO synthétiques
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Les CDO synthétiques d’arbitrage activement gérés
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Les CDO sur mesure
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Derniers développements du marché des CDO
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CDO squared (CDO²)
III. Gestion des différents risques des CDO synthétiques
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Sensibilités aux variations d’un nom individuel
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Sensibilités au spread moyen du panier
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Sensibilités à la corrélation implicite
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Sensibilités au « time to maturity »
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Taux de recouvrement
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Défaut soudain
Conclusion
Si un dénominateur commun de ces opérations était jusqu’à récemment l’application des techniques de titrisation à des actifs se traitant sur le marché des capitaux, comme des portefeuilles de titres obligataires (on parle alors de Collateralized Bonds Obligations ou CBO) ou de créances bancaires (Collateralized Loans Obligations ou CLO), le développement des produits dérivés de crédit a entraîné l’émergence d’une nouvelle classe de produits : les synthetic CDO.

I. Les CDO cash-flows (CBO et CLO)
Il s’agit de la première forme des CDO. Ils ont été créés afin de faire bénéficier à des investisseurs des nouveaux types de profils risque/rendement synthétisables. Ce sont des montages cash, ne faisant pas intervenir de dérivés de crédit. Ils puisent leur origine sur le marché de la titrisation d’actifs.A. Origine
A l’origine de ces transactions se trouvent les techniques de titrisation. La titrisation est une technique qui permet aux institutions financières ou aux entreprises de céder sur les marchés de capitaux des titres négociables, adossés sur les flux financiers ou sur la valeur de marché d’actifs spécifiques. Le mécanisme traditionnel d’une opération de titrisation peut se résumer de la manière suivante : le cédant (institution financière ou entreprise appelée le sponsor) qui titrise ses actifs, les vend, à un véhicule spécialisé en charge de l’émission des titres (SPV). Ce SPV finance l’achat des actifs en émettant des titres sur les marchés de capitaux qui bénéficient des actifs en collatéral. Les flux générés par les actifs sont collectés par l’institution financière qui les transferts aux investisseurs à travers le SPV. Le SPV profite de facilités bancaires ainsi que de nombreuses assurances ce qui sera traduit par une meilleure notation sur les titres émis. Les avantages de la titrisation pour les banques et les entreprises sont de leur permettre, d’une part, une plus grande flexibilité au niveau de la gestion de leur bilan et de leurs liquidités et, d’autre part, de réduire leurs coûts de financement. Le risque de crédit lié aux créances titrisées est transféré aux investisseurs. Les opérations de CBO consistent à émettre à partir d’un véhicule (SPV) un ou plusieurs titres dont le remboursement dépend directement de la performance d’un portefeuille d’obligations sous-jacentes. Ces structures ont également été rapidement étendues au marché des prêts bancaires structurés avec un fort effet de levier. Elles sont désignées sous le terme générique de CLO. C’est un actif généralement plus senior, bénéficiant d’un meilleur taux de recouvrement en contre partie d’un rendement moins élevé.
B. Description du montage
D’un point de vue strictement comptable, un CDO peut être analysé comme n’importe quelle société traditionnelle, au travers d’un compte de résultat et d’un bilan. L’actif d’un CDO est constitué d’un portefeuille de crédits, dont l’achat a été financé (au passif) par l’intermédiaire de trois catégories de financement :- Une dette dite senior représentant la forme la moins risquée de la structure du CDO
- Une dette « mezzanine », catégorie de risque intermédiaire
- Une tranche « Equity », la plus risquée

- La diminution de la taille de l’actif de la tranche imputée
- La diminution des revenus et donc du dividende pouvant être perçu par les détenteurs de la tranche equity.

II.Les CDO synthétiques
Le marché des CDO synthétiques d’arbitrage a d’abord constitué une extension naturelle des transactions de gestion de bilan. Ces dernières constituent une autre branche de CDO que nous ne détaillerons pas ici. Le développement du marché des CDS a facilité la réplication des structures de CDO à des fins d’arbitrage, aboutissant à l’émergence d’une nouvelle classe de produits, les CDO synthétiques d’arbitrage. Si les structures initiales étaient une simple réplication de CDO synthétiques, avec vente de toutes les tranches de risques, le marché a rapidement évolué vers d’autres types de structures :- Émergence de CDO synthétiques gérés
- Création de produits sur mesure (CDO sur demande ou simple tranche), dont les caractéristiques sont de permettre aux investisseurs de sélectionner un portefeuille sous-jacent ainsi que la tranche de risque souhaitée. La position résiduelle est alors gérée en « delta » par la banque qui structure le produit.
A. Premiers montages de CDO synthétiques
Les banques intermédiaires rassemblaient un portefeuille de risques de crédits sous-jacents, utilisaient les techniques de tranching propres aux opérations de titrisation afin de créer des tranches au profil de risque correspondant aux attentes des investisseurs et couvraient le portefeuille sous-jacent sur 100% de son risque via l’achat de protection (CLN ou CDS). Il était donc possible de créer un arbitrage entre le spread moyen du portefeuille et le coût de la couverture en profitant par exemple de la base entre obligations et CDS.
- Facilité de gestion des risques de taux ou de change
- Disparition du risque de réinvestissement
- Absence de risque de comportement du gérant
- Certaines transactions ont eu des performances désastreuses (surtout dans le cas de portefeuilles statiques)
- De nombreux investisseurs ont connu des pertes significatives sur leurs investissements et se sont retirés du marché.
- Problème de liquidité sur les tranches downgraded

B. Les CDO synthétiques d’arbitrage activement gérés
Les premières transactions présentant un caractère dynamique ont été directement inspirées par des CDO de gestion de bilan. Les premiers montages ont été lancés par des banques intermédiaires qui conservaient les tranches Equity et en ayant la possibilité de gérer activement le portefeuille de référence. Les éventuelles substitutions au sein du portefeuille n’avaient toutefois pas d’impact en termes de structures de capital, les gains ou les pertes étant assumés par le gérant. Cependant cette spécificité pouvait entraîner un risque d’alignement d’intérêts, le gérant pouvant être enclin à maximiser le spread moyen du portefeuille pour améliorer le rendement de la tranche Equity qu’il possédait toujours. Les stratégies d’investissements à la disposition du gérant sont multiples :- Prise de positions longues via des CDS
- Prise de positions longues en obligations (via la ligne de liquidité)
- Prise de positions courtes en CDS
- Possibilité de jouer la base
Classe | Montant | Rating | Pourcentage | Subordination |
1235 | Super Senior | 82.06% | 17.94% | |
A | 78 | AAA | 5.18% | 12.76% |
B | 78 | AA | 5.18% | 7.57% |
C | 27 | A- | 1.82% | 5.75% |
D | 27 | BBB | 1.82% | 3.99% |
E | 60 | First loss | 3.99% |
- 1 Intérêts (prime des CDS vendus + Euribor sur le collatéral + coupon sur les obligations achetées)
- 2 Dépenses diverses (agences de notation, etc.)
- 3 Rémunération de la ligne de liquidité
- 4 Paiement des primes liées aux positions courtes sur CDS
- 5 Rémunération de gestionnaire
- 6 Paiement des primes liées aux couvertures de taux ou de change
- 7 Prime du swap super senior
- 8 Intérêts classe A
- 9 Intérêts classe B
- 10 Intérêts classe C
- 11 Intérêts classe D
- 12 Rémunération des investisseurs equity (classe E)
- 13 Rémunération variable du gestionnaire

C. Les CDO sur mesure
Le développement des CDO synthétiques sur mesure ou « single tranche » a été favorisé par l’évolution des techniques de couverture de tranches qui, elles-mêmes, ont bénéficié, d’une part, de plusieurs avantages conceptuels et méthodologiques (émergence des produits de corrélations type first to default) et l’amélioration des modèles (modèles Copula) et d’autre part, d’impératifs économiques, tels que la nécessité pour les intermédiaires arrangeurs de couvrir des expositions ou encore la forte demande des investisseurs institutionnels pour les produits sur mesure. Ces nouvelles techniques de couverture (delta hedging) ont rapidement permis aux banques de proposer des produits sur mesure en créant une tranche de CDO synthétique sans avoir à émettre l’intégralité de la structure de capital. Ce produit est désigné comme une « single tranche » et ses propriétés se rapprochent plus d’un produit optionnel que d’un CDO traditionnel dérivé des techniques de titrisation. Les techniques de delta hedging reposent sur des modèles de pricing de portefeuilles de crédits. Dans le cadre de ces transactions, la banque arrangeuse ne cède pas la totalité du montant référencé comme dans un CDO classique, mais uniquement une fraction de ce notionnel appelée delta. Ce delta doit être ensuite réajusté dynamiquement en fonction de l’évolution des spreads de crédit. Une tranche de CDO synthétique peut être modélisée à l’aide des paramètres suivants :- Spreads de crédit et taux de recouvrement pour chacune des entités de référence
- Corrélation de défaut entre les entités
- Subordination et taille de la tranche
- Maturité du produit

D. Derniers développements du marché des CDO
Récemment, nous avons assisté à une sophistication des structures proposées ainsi qu’à l’intégration de nouvelles classes d’actifs (high yield, ABS, tranche de CDO, …). Flexibilité accrue Les investisseurs ont souhaité bénéficier d’une possibilité de gestion dynamique du portefeuille de référence afin d’éviter les problèmes rencontrés avec une gestion statique. Un format standard de ces produits, appelés « self managed », s’est peu à peu dégagé dans lequel le mécanisme de gestion est basé sur des données quantitatives fournies par la banque à fréquence régulière (delta, sensibilités) et les prix de marché des CDS considérés. Ces structures ont intégré la possibilité de pouvoir déléguer la gestion du portefeuille à une tierce partie, spécialisée dans la gestion de ce type de montage. On parle alors de « single tranche externally managed ». Nouvelles classes d’actifs Les montages de CDO nécessitent un certain degré de liquidité minimum pour les sous-jacents. Le marché des CDS s’est donc étendu aux obligations « high yield ». Les actifs ayant suscités le plus d’intérêts sont les ABS (Asset Back Security) et les tranches de CDO. Cette dernière catégorie sera l’objet du paragraphe suivant. Dans le cas des ABS, le seul segment offrant une liquidité suffisante correspond aux parts les plus seniors (notées AAA), pour lesquelles le rendement est assez faible. Ensuite un nouveau type de montage s’est développé avec comme actif sous jacent des tranches de CDO.
E. CDO squared (CDO²)
Un nouveau type de montage s’est développé qui remplace les expositions type CDS investment grade par des expositions de type CDO également notées AAA. Le principe est de créer un portefeuille d’actifs sous jacent composé de produits de crédit diverses (CDS, ABS, Prêts, …) et de tranche de CDO. Une fois constitué, le portefeuille est à nouveau séparé en plusieurs tranches avec différents niveaux de risque. Ce montage permet une rémunération assez élevée à partir de spreads individuels assez faibles. Le schéma suivant présente un exemple représentatif d’une transaction de CDO squared comprenant des ABS et des CDO. Le portefeuille master est composé de 50 titres d’ABS (70% du portefeuille) et de 4 tranches de CDO inner (représentant 30% du portefeuille master et comprenant chacune 100 entités de références) pour un montant total de 1 milliard d’euros. Les pertes pouvant affecter le CDO master proviennent soit des ABS, soit des crédits sous jacents à un CDO inner, lorsque sa subordination est totalement réduite par une succession d’évènement de crédits. Les CDO inner ne sont pas obligatoirement de la même taille et n’ont pas nécessairement les mêmes entités de référence. Ensuite la méthode de rémunération du CDO squared reste la même que pour un CDO classique.

III. Gestion des différents risques des CDO synthétiques
Nous avons vu précédemment que la valorisation des différentes tranches de CDO synthétiques dépend de plusieurs paramètres tels que les courbes de spreads, la corrélation de défaut, la maturité et les hypothèses de taux de recouvrement. Nous allons détailler les risques inhérents à ce type de montage :- Risque de premier ordre (variation de spread)
- Risque de second ordre (taux de recouvrement, défaut soudain, maturité et corrélation)
A. Sensibilités aux variations d’un nom individuel
Nous allons maintenant regarder l’évolution des sensibilités en fonction du niveau de crédit d’un nom particulier. Nous allons considérer les contrats sur un panier de 10 noms parmi lesquels 9 noms ont un spread que nous garderons fixe à 100bp. Nous allons donc faire varier le spread de crédit du 10ème nom du panier et regarder l’évolution du delta. Comme précédemment nous prenons une maturité de 5 ans, des hypothèses de taux de recouvrement à 40% et une corrélation implicite de 30%. Tranche Equity





B. Sensibilités au spread moyen du panier
Nous allons considérer les « nth to default » sur un panier de 10 entités de même niveau de spread et avec des hypothèses de taux de recouvrement identiques (40%). Nous prendrons de plus des contrats de maturité 5 ans avec une corrélation implicite de 30%. Tranche Equity


C. Sensibilités à la corrélation implicite
Le second paramètre important qui va influer sur la valorisation des tranches de CDO est le niveau de corrélation de défaut. La sensibilité à la corrélation (souvent notée) dépend des facteurs suivants :- Position de la tranche (acheteuse ou vendeuse)
- Subordination et taille de la tranche
- Moyenne des spreads du portefeuille
- Maturité résiduelle
- Niveau actuel de corrélation






D. Sensibilités au « time to maturity »
Nous pouvons aussi parler de la sensibilité à la maturité résiduelle du contrat. En effet la couverture de ces montages évolue avec le temps. Le comportement est très intuitif selon le niveau de subordination des tranches. Plus le temps passe moins les tranches mezzanines et seniors deviennent risquées relativement à la tranche equity. En effet plus le temps passe, plus le risque qu’un défaut touche les tranches mezzanines et seniors devient faible. Le delta de la tranche equity va augmenter alors que ceux des autres tranches vont diminuer. Tranche Equity

E. Taux de recouvrement
Les modèles de pricing reposent sur des hypothèses de taux de recouvrement qui ne sont pas observables sur le marché. Les banques traitent généralement ce risque en appliquant un taux différent aux tranches. Les tranches seniors ont une sensibilité positive à une réduction du taux de recouvrement, elles sont donc valorisées avec une hypothèse élevée (50%). Inversement les tranches juniors sont valorisées avec une hypothèse faible (30%). Cette exposition peut par ailleurs être neutralisée en utilisant une autre tranche de la structure de capital ou en utilisant des « first to default ». Tranche equity






F. Défaut soudain
Nous avons vu précédemment le phénomène de convexité. Ce phénomène est encore plus important en cas de défaut soudain. Cet évènement va induire un « P&L en cas de défaut ». Il correspond à la différence entre la perte sur le delta et le gain réalisé sur la valorisation de la tranche. Pour l’achat de protection via les tranches seniors la perte est négative car le delta d’une entité avec un spread faible est important. La perte est donc plus importante que le gain sur la valorisation de la tranche. Pour l’achat de protection via la tranche equity, le P&L en cas de défaut est positif. Nous pouvons expliquer ce comportement en termes de portage. Pour une tranche senior (achat de protection), le montant initial de delta est élevé relativement à la taille et au risque de la tranche. Cela un induit une carry positif qui permet d’absorber les pertes attendues en cas de défaut. Le comportement est inverse dans le cas de tranches equity. Le carry est négatif, la banque paye plus de prime sur le produit qu’elle n’en reçoit par les CDS, mais le P&L est positif en cas de défaut. De la même manière que précédemment, il est possible de couvrir ce risque en utilisant des swaps First to default.
IV. Conclusion
La gestion des produits de corrélation induit le traitement de nombreux risques comme nous venons de le détailler. Nous pouvons aussi énumérer d’autres risques résiduels qui sont les suivants :- Coût de transaction
- Risque de base
- Mismatch de portefeuille
- Risque de taux et de change

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